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"J'ai adoré Twitter et détesté ce que c'est devenu" | Tristan Nitot


La semaine dernière, coté tech, si le CES a déroulé son flot d'innovations comme si de rien n'était, Zuck lui a décidé de faire des économies d'échelle et de personnel en rejoignant Musk dans la cours des glands (oui, je suis assez fier de celle-là).

Dans un billet au vitriol, la chercheuse dana boyd résume assez bien le concours de bistouquette entre les deux Bros. Vos réactions sur la reprise que j'en ai faite sur LinkedIn montrent que le sujet vous intéresse vraiment beaucoup. Je vais donc continuer à le creuser.

En Europe, on attendra encore un peu pour voir les effets de cette suppression de la modération sur les plateformes de Meta puisque nous ne sommes concernés que par proxy.

Rendez-vous, donc, après les prochaines élections..


J'ai eu la chance de m'entretenir avec Tristan Nitot, l'un des pionniers du web en Europe et en France, notamment à travers la Fondation Mozilla. Nous nous étions croisé à Paris il y a déjà quelques années et le courant était franchement bien passé.

Il y a quelques jours, nous avons échangé dans les commentaires de l'article sur le bouquin de Stéphane (voir "La pub pour la voiture, c'est comme la pub pour les cigarettes") et Tristan m'a fait le plaisir de me rejoindre pour me partager ses réflexions sur la polarisation de l'information, la toxicité du "bar à fachos" qu'est devenu Twitter/X et tout le mal qu'il pense des délires martiens du président des USA f.f, dans une conversation improvisée dont les interwebs ont le secret.

Extraits:

Tu dis avoir adoré Twitter, et détesté ce qu'il est devenu. Que s'est-il passé ?

C'était formidable au début. Quand on a commencé à connecter les ordinateurs entre eux, c'était déjà excitant. Mais le vrai déclic, ça a été quand on a réalisé qu'on connectait les gens. Le web permettait de publier sans demander l'autorisation, de se faire des amis quelle que soit la distance. Cette intuition a été vraie pendant un moment. Et puis non. On a vu comment ça partait en vrille.

Est-ce que tu penses qu'on peut parler d'échec des technologies pour améliorer la société ?

Ces dernières décennies, on a mis un accent énorme sur l'éducation, la formation des gens. C'était une mission sacrée. En France, on disait que les professeurs étaient les hussards de la République. L'idée était que l'éducation permettrait un développement de la démocratie, que les gens auraient des débats plus fins. Et regarde aujourd'hui ! De la même façon, la diffusion de l'information, la capacité à communiquer entre les gens, ça ne marche pas mieux. Toujours plus de technologies n'améliore pas la situation.

Face à ces défis, certains comme Elon Musk proposent Mars comme solution. Tu en penses quoi ?

Mars, c'est à chier, mais totalement ! Tu vas vivre dans des tunnels, dans un endroit où ce n'est pas respirable, où il n'y a rien. À quel moment tu as envie d'aller vivre dans des tunnels ? La Terre est formidable, avec ses paysages sublimes et sa nature généreuse. Face à ça, Mars c'est vraiment de la merde en barre. Et puis on est 8 milliards. Même si tu arrives à transférer un million de personnes - ce qui est déjà délirant - il te reste quand même à peu près 8 milliards moins un million de gens que tu vas laisser crever sur la planète Terre.

Quelle alternative proposes-tu ?

Il n'est pas impossible de changer la façon dont on habite la Terre. Je ne sais pas comment on peut le faire, mais c'est tout à fait possible. La vraie question, c'est à quel point c'est douloureux. Combien de Valence il faudra pour qu'on en prenne conscience ? On peut faire 8 milliards de vélos qu'on va garder 50 ans et qu'on répare petit à petit. Mais 4 milliards de Tesla, ça n'a pas de sens.

Comment peut-on rendre ce changement désirable ?

On n'est pas obligé d'avoir des voitures volantes ou des voyages sur Mars pour être heureux. Au contraire. Plus le temps passe, plus les gens sont malheureux. Comment veux-tu aller bien, alors que le monde nous rappelle qu'on ne fait que des conneries, et que la publicité nous dit qu'il faut consommer, mais qu'on sait que consommer, c'est ce qui ruine l'environnement et l'avenir de nos enfants ?

Retrouve-le sur son blog ainsi que dans son podcast L'octet Vert


Ce billet est dédié à la mémoire de Nicolas Nova et Jean-Michel Billaut. Ils faisaient partie de ceux et celles qui portent un regard parmi les plus éclairés de notre époque sur les enjeux et la culture du numérique.

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