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Hack The Press !

Billet rédigé pour le prochain bulletin mensuel de l’AJP (Association des Journalistes Professionnels de Belgique)
Hack The Press !

Quel point commun y-a-t-il entre un journaliste qui, après avoir fait son boulot d’investigation, rend public les dysfonctionnements d’un système (démocratique, juridique, religieux, etc.) et un hacker qui, après avoir lui aussi investigué, met en ligne la description d’une faille d’un système informatique ?

Tous deux partagent le sentiment, sans doute subjectif (ce ne sont que des êtres humains, après tout, pas des machines) que ces failles, en plus d’êtres éventuellement illégales, étaient également “nocives” et empêchaient le “bon fonctionnement” de ces systèmes.

“Il fallait en parler” n’est pas une expression exclusivement réservée à nos rédactions.

Non, un hacker n’est pas forcément un sale type qui n’en veut qu’à votre carte de crédit, à l’adresse de votre baraque et aux organes digitaux de vos enfants. Hacker les systèmes, ce n’est pas de facto les corrompre. Pour l’immense majorité de ces bidouilleurs du web, c’est au contraire en comprendre le fonctionnement à un instant T et y déceler les portes ouvertes à l’innovation. Le plaisir de créer du neuf avec du vieux. Du e-recyclage, en somme.

Leurs bidouilles ne marchent pas à chaque fois, parfois elle leur pètent dans les doigt et certains en usent à des fins illégales. Ce sont alors, et jusqu’à leur procès, des criminels présumés, au même titre que n’importe quel politicien, boulanger, policier, couvreur-zyngueur qui dévoie un système à des fins personnelles.

De temps en temps, certaines bidouilles améliorent aussi réelllement le fonctionnement d’un de ces systèmes. Ceux qui ont hacké le système de la SNCB ou de Villo, n’étaient pas là pour dérouter les trains sur Cuba ! Ces dangereux terroristes voulaient juste créer une application mobile permettant d’optimiser le temps d’attente en gare ou la disponibilté des bécanes dans le haut de Schaerbeek.

Si nos rédactions veulent en 2011 créer de nouveaux services informationnels en ligne pour leurs audiences (pour autant qu’elles appartiennent à quiconque), elles vont devoir faire du hacking. Qu’elles le veuillent ou non. Elles vont devoir inventer de nouvelles briques technologiques capables de supporter les échanges qu’elles souhaiteront développer avec ces audiences. Pour élargir leur champ de diffusion, multiplier les niches, accroître leur réputation et recevoir en retour la fidélité du porte-monnaie des individus à qui elles auront réellement rendu service. L’info comme un service rendu au public, parmi d’autres.

Insérer une vidéo Youtube dans son papier et modifier son alignement, c’est du hacking. Modifier le template d’un blog ou l’ordre des widgets dans la sidebar, c’est du hacking. Publier une Google Maps sans devoir faire appel au service IT de la boite, c’est du hacking. Récupérer le tweet “Alea Jacta Est” et l’afficher dans un bandeau déroulant, c’est du hacking.

A titre perso, avoir mis en ligne quelques milliers de billets et turbiné quelques centaines de vidéos et de séquences audio, je n’ai pas le sentiment de m’être rendu coupable, et en récidive multiple, de “crime de hacking”. Et pourtant, Steve Jobs sait si j’ai dû bidouiller.

Des hackers piratent le site de la banque et sniffent les données personnelles de 12 milliards d’individus pour se payer des putes et de la drogue à Bangkok”, est sans doute un des meilleurs chapeaux du monde.

Sauf que les métiers du numérique ont plus de 30 ans et qu’il s’en crée chaque jour de nouveaux. Peut-être est-il temps de considérer enfin que ceux et celles qui s’activent à modifier les petits et grands systèmes en bidouillant sur leurs ordinateurs ne le font pas forcément pour emmerder le monde ou pour vous empêcher de faire correctement votre boulot de journaliste. Que du contraire.

Si vous considérez le web comme une des voies d’avenir pour notre profession, ces poètes du code bienveillant, et dont celui de déontologie vaut bien le nôtre, sont sans doute vos meilleurs futurs collaborateurs. Leur place est au sein de vos newsroom, fussent-elles virtuelles.

Des rencontres entre journalistes, bidouilleurs, graphistes, designers et chercheurs sont organisées depuis quelques mois, au départ de San Francisco, par des passionnés de nouvelles technologies, dont des anciens journalistes et des professeurs d’université. Le succès de ces rencontres, conférences et ateliers pratiques, baptisés Hacks/Hackers, est tel que 16 autres villes à travers le monde leur ont déjà emboité le pas. Deux rencontres ont déjà eu lieu à Bruxelles (dont un autour de Wikileaks et du data-journalisme). Les débats sont en anglais et accessibles gratuitement. Plus d’infos via Twitter (@hackshackersbru) ou sur Facebook

Crédit Photo CC La Cantine et Knowtex

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