D’une manière générale, la prudence est de mise, et cela se comprend vu les retombées négatives qu’un tweet mal torché ou un statu balancé à la hâte peuvent provoquer pour un média et sa marque. Or, si cette crainte est tout à fait justifiée d’un point de vue corporate, il serait dommage de ne pas tenir compte d’un autre facteur tout aussi important, non pas pour assurer un service minimum, mais bien pour permettre l’éclosion des talents: la confiance et le lâcher prise.
A travers les activités de formation et de coaching éditorial que je mène actuellement pour le compte de OWNI/22Mars, je constate que cette dimension est bien souvent sous-estimée et que les responsables en charge des ressources humaine se privent bien souvent de ce « 12ème homme », diront-on en football. Il est en effet impossible, à mon sens, d’exploiter pleinement le potentiel des réseaux si les médias n’acceptent pas de perdre un minimum le contrôle de ce que leurs « gens » peuvent publier en ligne.
Que l’on me comprenne bien, je ne suis nullement en train de dire qu’il faut abattre la bride et fonctionner en roue libre sans savoir qui fait quoi. Loin de là. Je dis juste que la créativité, l’originalité et la personnalité de chaque individu doit être valorisée comme les meilleurs atouts d’une société qui prétend avoir une activité en ligne cohérente. Si vous bridez sciemment vos ressources dans un canevas législatif interne trop contraignant, vous n’avez aucune chance de voir apparaître de nouveaux comportements. Or, car c’est bien de cela dont il s’agit, les entreprises ont un besoin vital de renouveler non seulement leurs processus d’innovations mais aussi leur dynamique interne de partage de savoirs. Et le web, de par sa nature intrinsèque, permet aux individus d’éclore et à leur talent de se distribuer au gré du réseau qu’ils se contruisent patiemment au fil des jours.
L’intérêt de Twitter ou Facebook est aussi de rapprocher les journalistes des lecteurs. De nous montrer tels que nous sommes, libérés d’une part de fantasme, un peu plus transparents, un peu plus ouverts aux suggestions de ceux qui nous lisent
Johan Hufnagel (rédacteur en chef, Slate.fr)
C’est dans cet état d’esprit que j’avais rédigé en 2008 les guidelines pour encadrer la pratique des réseaux sociaux au sein de la RTBF. Je pense que ces quelques conseils sont toujours d’actualité, même si, à nouveau, certains estimeront important d’y ajouter quelques closes spécifiques propres à leur société, étant acquis que chaque marque présente en ligne est désormais engagée dans une stratégie média incluant toutes ses forces vives.
Je vous les remets ici, libre à vous de les mettre à votre sauce.
En tant que responsable/administrateur d’une page/compte officiel de votre média sur les réseaux sociaux, les internautes attendent de vous:
– que vous incarniez l’émission, la chaîne, le portail dont vous êtes l’administrateur. N’oubliez jamais que vous parlez au nom de votre média, pas en votre nom propre.
– que vous leur donniez à voir autre chose que des copiés-collés de vos communiqués de presse traditionnels
Soyez différents, faites preuve d’humour et d’originalité.
– que vous soyez précis dans votre communication. Ne tournez pas autour du pot, vous n’en avez ni l’espace ni le temps.
– que vous leur fournissiez des liens pour qu’ils puissent vérifier par eux-mêmes ce que vous leur raconter.
S’ils sont devenus « fans » c’est qu’ils vous font confiance, à priori. A vous de faire en sorte que cela continue.
– que vous répondiez à leurs questions. Dans la journée, pas trois jours après.
Si vous voulez qu’ils vous écoutent, commencez par écouter ce qu’ils ont à vous dire.
– que vous appréciez à leur juste valeur leurs critiques. Et leurs félicitations.
A titre personnel, gardez toujours à l’esprit :
– que même avant 9h et même après 17H, vous faites toujours partie de votre société.
Critiquer ouvertement des décisions de votre hierarchie sur les réseaux sociaux, où révéler des « secrets de fabrication » n’est pas bon pour votre carrière. Du tout.
– que les réseaux sociaux servent à partager, pas à broadcaster. Faire uniquement du rabattage vers vos articles/reportages, c’est rouler en Ferrari avec un moteur de 2CV.
– que vous êtes un être humain. Quand vous participez aux discussions, vous n’êtes pas un observateur neutre mais un acteur de celles-ci.
Avancez donc à visage découvert et assumez votre subjectivité. Sauf si vous voulez parler tout seul ou vous cacher derrière un pseudonyme.
Dans les deux cas, vous n’êtes pas droit dans vos bottes.
– que dire « Je me suis trompé, désolé. Comment puis-je faire autrement ? » n’est pas une preuve de faiblesse. Au contraire.
– que sur les médias sociaux, rien n’est jamais vraiment privé et qu’une fois un message publié, il n’y a pas moyen de contrôler ce que les internautes vont en faire.
– que si vous dénichez une info grâce aux membres d’un réseau social et que vous en faites un article/sujet/reportage, le souligner à l’antenne et faire un lien vers ceux qui vous ont aidé sera grandement apprécié par ceux-ci.
Vous soignerez ainsi votre « karma » et leur donnerez des raisons de continuer à vous faire confiance. Tout ce que vous partagerez avec eux vous le sera rendu en triple. Demain ou la semaine prochaine.
– que si vous vous appropriez une info trouvée sur un réseau social, que vous propagez une rumeur sur quelqu’un ou que vous tirez des conclusions hâtives sur les intentions d’un internaute, sa communauté se retournera contre vous.
Certaines d’entre elles ont les moyens de vous pourrir la vie, longtemps et de manière parfois illégale. Regardez où vous mettez les pieds.
– que vos « amis virtuels » peuvent, par ricochet, vous attirer des ennuis. Comme dans la « vraie vie », votre réputation pourrait souffrir d’amitiés choisies à la légère.
– que accepter comme « ami » une source à qui vous avez promis la confidentialité équivaut à « outer » cette source. Même si elle utilise un pseudonyme.
– que les réseaux sociaux sont une caisse de résonance dont on peut être à l’écoute en permanence. Mais votre job, celui qui paie vos factures, ne doit pas en pâtir.
– de prendre du plaisir !
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