Comment incuber des projets journalistiques comme des startups ?
Depuis 2011, le lab.davanac développe une méthodologie et des programmes d’accompagnement pour des porteurs de projets à vocation journalistiques, en particulier des étudiants et des freelances, pour les aider à structurer leur processus créatif, à identifier les angles et les publics susceptibles d’être impactés par leurs flux de contenus (numériques, mais pas que) et à construire différents modèles économiques afin de financer leur activité.
Historiquement, l’IHECS, à Bruxelles, est la 1ère école avec laquelle le lab.davanac a collaboré depuis 2011, avec une vingtaine de projets accompagnés et financés chaque année, pour un montant total de 180.000 euros déjà récoltés et 450 étudiants formés à cette méthodologie. Vous pouvez découvrir tous les projets sur la propre plateforme de crowdfunding de l‘IHECS, développée par Koalect.com
Cette méthodologie est open-source, n’hésitez pas à la forker ou à vous en inspirer pour vos propres reportages/enquêtes journalistiques. N’hésitez pas non plus à nous faire part de votre feedback.
5conseils pour construire un programme d’incubation journalistique, à la manière d’une startup.
- Trouvez un lieu inspirant, ouvert, où les porteurs de projets peuvent se croiser et les discussions se prolonger, autour d’un verre ou d’un café, avec la possibilité de loger et de se restaurer sur place. Mixez les talents, les backgrounds et les intentions. Fixez un cadre, mais acceptez de perdre le contrôle.
- Faites vivre une expérience extra-ordinaire aux participants, en leur offrant tout ce que vous avez en magasin comme connaissances, savoirs et outils pour travailler. Faites-leur rencontrer des gens bienveillants qui n’hésiteront à partager leurs propres expériences, succès et échecs.
- Offrez leur du temps pour qu’ils se posent un maximum de (bonnes) questions et qu’ils ferment le plus de (mauvaises) portes possible. Répondez à leurs interrogations par d’autres interrogations , aidez-les à accoucher de leurs propres solutions, afin qu’ils se les approprient. Ce sont eux les experts de leurs projets.
- Faites-leur tester un maximum de début de solutions, mesurez-en l’impact, faites parler les chiffres et encouragez-les à écouter le feedback des membres des communautés auxquelles ils se sont adressés, surtout celui qui le plus critique. Proposez-leur d’adapater leurs propositions en fonction. Et recommencez.
- Insistez sur la différence entre “se raconter” et “se la raconter”. Partager un processus en train de se faire , c’est créer du lien et de la confiance. Attirer l’attention sur son nombril, c’est juste de la branlette intellectuelle. Oui, les journalistes font du marketing éditorial, et non ce n’est pas sale de parler d’argent. Mais si l’argent est leur seule ambition, il est encore temps de changer de métier.
L’article ci-dessous présente cette méthodologie, adaptée aux besoins spécifiques et aux impératifs pédagogiques de l’Ecole Française de Journalisme (EFJ), pour laquelle le lab.davanac a construit un programme d’accompagnement dédié pour la 2ème année académique consécutive (2015–2016 et 2016–2017)
Du5 septembre au 15 décembre 2016, une cinquantaine d’étudiants de 3ème année de l’Ecole Française de Journalisme (EFJ) de Bordeaux et Paris ont imaginé, produit et réalisé, chacun individuellement, des enquêtes journalistiques sur des thématiques d’actualité allant de la crise des migrants à l’élection présidentielle, en passant par le rugby, la liberté de la presse en Bulgarie ou encore la gentrification de certains quartiers à Paris.
Phase 1 : Les MasterCamp, en résidence
Ce processus, long et complexe, encadré par l’équipe pédagogique de l’EFJ, a débuté quelques mois plus tôt au sein lab.davanac, en Belgique. En Thalys depuis Paris ou en avion depuis Bordeaux, les étudiants de l’EFJ ont été accueilli durant 3 semaines, en résidence, au sein du CreativeSpark, à Mont-Saint-Guibert.
Cet environnement très créatif et innovant, est connu notamment pour héberger les sessions d’accélération de startups de NEST’up, un programme développé par Creative Wallonia Engine, financé par le gouvernement wallon. (disclosure: le lab.davanac accompagne CWE dans sa stratégie éditoriale et Damien Van Achter fait partie des co-fondateurs de NEST’up).
“Des journalistes, des professionnels du marketing éditorial, des créateurs de projets… les intervenants s’enchaînent pour découvrir toutes les ficelles et les changements du métier de journaliste. Mais tous ont le même message : Créer et oser prendre des risques” explique Guerard Thomas, étudiant à l’EFJ Paris.
Quel est le problème/le phénomène de société auquel je m’attaque ? Quelles sont mes (res)sources ? Quels canaux vais-je utiliser ? Comment valider la traction que ce projet peut avoir auprès de mon public cible ? Comment et à qui vendre cette enquête ? etc.
Autant de questions auxquelles les étudiants sont confrontés, notamment grâce au Lean Journalism Canvas, un outil développé par le lab.davanac sur base du Lean Canvas et du Business Model Canvas, deux pilliers du Lean Startup.
L’environnement de travail a évidemment un rôle important. Comme l’exprime Alexandre Sellem : “écrire sur les murs pour dessiner un squelette d’enquête, s’installer à table pour continuer des recherches ou se faire un ping-pong, utiliser un écran plat comme support de Powerpoint ou de FIFA… Autant de soin apporté à un lieu pour s’y sentir bien et maximiser la productivité.”
Les MasterCamp au lab.davanac permettent un rapprochement tangible avec la réalité journalistique et celle du projet. Une plongée en apnée dans le monde de l’entrepreneuriat et du journalisme numérique, pour mettre les étudiants en situation professionnelle et les connecter à l’avenir.
Les invités, nombreux et variés, se succèdent pour venir leur expliquer leur vision de leur métier, les challenger dans leurs à-priori et parfois aussi, leur donner un bout coup de pied aux fesses.
Merci à Wilson Fache, David Leloup, Bruno Guglielminetti, Damien Spleeters, Olivier Gillin, Nicolas Becquet, Amaury Lesplingart, Edouard De Witte, Arnaud Wéry, Florence Hainaut, Thomas Mignon et Laurent Calixted’être venu à la rencontre des étudiants dans le cadre de ces MasterCamps 2016 pour l’EFJ.
Au bout des 3 sessions de MasterCamp, qui ont duré chacune 1 semaine complète, en résidence, les étudiants ont vécu une expérience particulièrement riche et humainement engageante, avec des up & down dans leurs recherches, des moments de doutes et d’emballements.
Phase 2 : Travail de terrain, en ligne et hors ligne
Sortis du cocon du CreativeSpark, c’est aux étudiants de se prendre en main et de retrousser leurs manches. On prend son téléphone, on passe les coups de fils nécessaires, on interview, on rédige, on affine, on change de sens, on laisse tomber… et on repart de plus belle.
Tout au long de ces 3 mois, les équipes pédagogiques de l’EFJ se sont mobilisées, à Paris et à Bordeaux, pour accompagner au quotidien les étudiants dans leurs démarches.
Grâce à un channel dédié dans l’Open Newsroom du lab.davanac, sur Slack, avec les coachs et les experts qui y contribuent, les étudiants ont pu partager l’évolution de leurs enquêtes avec la communauté qui a pu agir en tant que miroir et tremplin.
Cet espace en ligne, mis à disposition de tous les étudiants et freelances qui passent par le lab.davanac, est lieu d’échange bienveillant, où il n’y a pas de mauvaise question mais seulement des réponses temporaires. Si un mur se dresse, une échelle descend et si une news importante a besoin d’être communiquée pour en accélérer la propagation, elle décolle via la Newsletter.
A l’heure actuelle, plus de 560 étudiants, journalistes, experts et passionnés interagissent déjà dans cette Open Newsroom (N’hésitez pas à les rejoindre !)
Phase 3 : Jury de soutenance
Le point d’orgue du programme d’incubation, qui marque aussi la fin du cursus scolaires des étudiants, c’est la confrontation avec le jury de leurs Grandes Enquêtes .
Chaque étudiant peut ainsi défendre son travail, en expliquer les limites, en souligner les succès et les retours suscités auprès des communautés auxquelles il s’est adressé. Raconter les tours et les détours par lesquels il est passé pour aboutir à ce résultat.
Tous n’ont bien sûr pas réussi à vendre leurs enquêtes à des médias, mais une petite dizaine d’entre-eux ont toutefois pu se faire remarquer et ont réussi à faire publier leur travail par des marques média reconnues (comme par exemple ce reportage sur le rubgy, publié sur Le Figaro.fr).
Quoi qu’il en soit, le fait même d’avoir participé à ce processus d’incubation/accélération leur a permis de développer une vision plus personnelle de leur avenir professionnel, en vue de “transformer l’essai” et de devenir progressivement les entrepreneurs de leur propre carrière.
“L’EFJ se veut l’école du nouveau journalisme et le lab.davanac est un pionnier de ce nouveau journalisme. Incuber les enquêtes à la manière de startups est une nouvelle manière de faire du journalisme.
Ce qui nous intéresse, ce n’est pas que tous nos étudiants deviennent entrepreneurs, mais que l’on travaille les méthodologies d’enquête de la même façon que l’on travaille avec une startup.
Utiliser toutes ces méthodes de développement et de créativité de ces startups et les appliquer au journalisme, c’est vraiment là que réside l’originalité du lab.davanac.” Jacques Rosselin, directeur de l’EFJ.
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