Au diable la calculatrice
Cela fait un bout un temps que cette idée me trotte dans la tête. Le récent billet de Guy Birenbaum, qui emploi la même expression que moi en parlant de l’enquête Techelman, a fini aujourd’hui de me convaincre.
(…) Je suis effaré des classements bidons qui envahissent l’espace, de ces statistiques trafiquées par des fabricants de stats, de ces blogueurs trèèèèèès influents et en même temps actionnaires principaux de boîtes qui mesurent l’influence… — comme on compare la taille de sa quéquette quand on a cinq ans — et de tous ces petits arrangements avec la vérité qui n’ont en fait que deux objectifs.
1° Ramener tout le pognon de la bulle vers des frimeurs sans scrupule qui l’ont déjà.
2° Permettre aux mêmes frimeurs de se la raconter partout et d’exister, surtout hors du net. (…)
Retroactes
Si j’ai commencé à m’intéresser aux blogs, vers la fin 2004, c’est essentiellement parce que j’étais sidéré par le potentiel d’ »ouverture de gueule » que représentait ces nouveaux outils. Le jeune journaliste fumeur de pétards que j’étais découvrait là une panacée de la liberté d’expression et s’imaginait déjà rédac’ chef d’une colonie d’intrépides blogueurs disséminés de part le monde, dont le seul objectif aurait été de dénoncer les magouilles des corrupteurs d’opinion publique et les profits bien mal acquis des nababs bordés de bikinis.
Deux ans plus tard, après moults heures/jours/nuits à dévorer des centaines de billets à la volée, à m’emberlificoter les balises html, à tirer des plans sur la comète citoyenne, à dénicher les flux RSS les plus enrichissants et à m’appliquer à la rédaction de mes propres divagations, force m’est de constater que les corrupteurs d’opinions et les nababs bikinisés sont ceux qui ont le mieux tiré parti du potentiel « remplissage de poche » de ces nouveaux outils.
Comprenez-moi bien. Je ne suis ni en train de vous dire que « finalement, les blogs, beurk » ni que « ceux qui font du pognon avec les outils 2.0 ont tous vendus leur âme au Grand Capital ». Il existe suffisamment d’initiatives où le web est devenu le support idéal à la réalisation d’objectifs certes louables mais pas forcément donnés.
Je dis juste qu’en ce qui me concerne, j’en ai plusquemarre de consulter mes statistiques comme PPD ou de Brigode pour savoir « si la journée a été bonne ». J’en ai ras le blackberry de checker les mots-clés utilisés par plus de 70 pc de ceux qui aboutissent chaque jour sur mes pages pour optimiser les titres de mes billets ou les tags technorati. Marre de ces sacro-saintes mesures qui sont censées m’assurer un max de cash lorsque je ferai « du volume », quitte à publier n’importe quoi ou à jouer la provoc » trollesque, via un savant saupoudrage d’Adsense dans mes colonnes.
Oui, je ne peux pas le nier, j’ai eu la prétention de pouvoir tirer des revenus de mon activité bloguesque.
Je l’ai toujours. Mais pas comme ça.
Mon blog n’est pas une entreprise de presse ni une télévision privée. Je laisse à chacun le choix de faire ce qu’il veut de son temps de ceerveau disponible. Au pire, je considère qu’il est devenu un outil marketing de ma personnalité. Si je m’y met en scène, c’est pour le plaisir de partager avec vous ce que j’apprends et de profiter de cette fenêtre de tir pour catharsiser mes frustrations professionnelles. Il se fait qu’elles sont nombreuses mais, aucune n’étant mortelle, je ne laisserai donc cette course effrénée au blogimat me gâcher le plaisir d’y faire ce qui me plaît. Si le plaisir disparaît, autant stopper les frais.
Donc, comme le dit si bien Guy, j’ai décidé de couper les fils des compteurs et de virer les bouts de code de Sitemeter, Xiti, Performancing et Google Analytics qui polluent ma colonne de gauche. Idem pour celui de Feedburner. Ayant payé la licence de Mybloglog et trouvant le principe d’afficher vos frimousses lorsque vous commentez assez sympa, je conserve le code mais me jure à moi-même de ne plus consulter l’onglet « stats » (Si je rechute, je le baquerai illico) Je conserve également à usage interne le nombre d’abonnés à mon flux RSS, seul indice qui sur le long terme me permettra de savoir si mes élucubrations intéressent encore quelqu’un dans 10 ans.
Re-comprenez-moi bien. J’ai toujours soutenu que la publicité était jusqu’à présent la seule solution pour rentabiliser la création de pages web, et je le maintiens. Le volumes de pages vues, le nombre de visiteurs uniques et tous les autres indicateurs métriques présents et à venir tirent leur sens du fait de vouloir monétiser une activité en ligne pour elle-même, par l’addition des consultations, des liens, du nombre de commentaires, etc. Jusqu’ici, la valeur d’un site est donc toujours définie par des chiffres, calculés par des robots et analysés par des marketeux. Les profondes mutations en cours ont besoin de conserver quelques certitudes et rien de tel que des chiffres à qui l’on fait dire ce que l’on veut pour cela.
Si cette logique convient dans un espace marchand, elle devient caduque dans un espace sur lequel je ne vends strictement rien. Comme Mateusz le disait dans un commentaire à propos de blogueurs payés pour rédiger des billets, on en arriverait presque « à payer pour avoir une discussion avec moi sur mon blog », ce qui est un non sens. Je veux que mon blog reste un endroit où le partage constitue la vraie plus value, sans la pression de vouloir plaire au plus grand nombre ni l’obsession de me savoir lu/écouté/vu demain par plus de gens qu’hier. En fait, je souhaite ardemment que ce soit vous et seulement vous qui puissiez déterminer la valeur de ce blog, chacun séparément avec vos sensibilités et tous ensemble dans les discussions que nous générons. Le reste, les classements à la wannezgaine, les mesurages de bistouquette et les trafics d’influence en ligne, je m’en contrebranle.
Le robot qui évaluera la valeur d’un mail suggérant une chouette vidéo sur Youtube, d’une conversation à bâtons rompus sur skype ou d’un commentaire à contre-poil n’est pas encore né. Et ne verra sans doute jamais le jour. Vous aurez beau être présent dans tous les annuaires 2.0 Ajax Flash Tags Sillicon Brol, ça ne vous empêchera pas de vous flinguer parce que n’aurez jamais été aussi seul que devant votre ordinateur.
Re-re-comprenez-moi bien. Oui, je vais me servir de mon blog pour continuer à « creuser mon trou » dans ce monde brutes. Oui, je continuerai à jouer avec différents supports et à utiliser les outils qui me plaisent le mieux pour « transmettre » l’information qui m’interpelle et la commenter avec vous.
Si certains sont prêts à me rémunérer pour les aider à utiliser au mieux ces outils et en intégrer leurs multiples dimensions dans leur propre business … fine. Si journalistiquement des opportunités s’ouvrent à moi grâce aux échanges, aux tests et aux plantages survenus sur mon blog, re-fine. S’il vous semble que m’aider financièrement pour aller, en dehors de tout chaperonnage éditorial, bloguer/podcaster des événements qui nous bottent ou des personnes qui nous intéressent, est une perspective aguichante… re-re-fine
Mais jamais mon blog n’aura la gueule d’une carrée illuminée de la rue Varin.
…. Vous ne pouvez pas savoir comme la rédaction de ce billet m’a fait du bien !
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